De nombreuses organisations sont à nouveau ébranlées par ce troisième confinement. Point de sidération cette fois, mais l’impression de courir un marathon sans s’y être suffisamment préparé. De voir ses engagements auprès de clients reportés, ou annulés. De se demander non plus quand mais si cette crise sanitaire, économique et sociale va s’arrêter un jour. De s’alarmer face au constat que notre seuil de tolérance est bien bas. De se découvrir anxieux, irritable, triste… de ne plus se reconnaître par moments.
L’agilité forcée qui continue de mobiliser beaucoup d’énergie individuelle et collective nous a conduit à un épuisement physique et mental considérable. Le découragement est là.
Il n’est pas évident de faire confiance à la vie lorsqu’on entend les médias assener des chiffres de morts, de contaminés, de personnes en réanimation. Pas évident de vouloir avancer lorsqu’on a perdu son travail, le sens de son existence, et ce pour une durée indéterminée. Pas évident non plus lorsqu’on pleure la perte d’un proche, que l’on souffre de l’impossibilité de retrouver sa famille, que l’on voit nos jeunes et moins jeunes souffrir cruellement de l’isolement social.
Au cours de mes accompagnements, j’ai eu l’occasion d’assister à l’émergence du « NOUS ». À cette force du collectif qui est à mes yeux une des clefs fondamentales pour avancer en ces temps troublés :
C’est l’histoire d’une infirmière qui sait qu’elle peut compter sur le soutien de ses collègues et de son cadre lorsqu’elle reprendra le travail après un épisode de burnout.
C’est l’histoire d’une directrice de département qui, à la veille de partir à la retraite, a à cœur de mettre tout en œuvre pour laisser le service entre les mains d’une équipe soudée, efficiente et heureuse de remplir ses missions de service public.
C’est l’histoire de ce comité de direction qui réapprend à se faire confiance, à travailler main dans la main. Conscient de la valeur de chacun et de l’impondérable nécessité d’une cohésion retrouvée pour gagner en efficience et pérenniser l’entreprise.
C’est enfin l’histoire de ces chefs de service qui tirent les leçons de la crise sanitaire pour questionner l’efficacité de leurs actions, et pouvoir assurer au mieux une continuité d’activité de qualité. S’appuyant sur l’intelligence collective, la maturité du groupe, des valeurs fortes partagées, ils co-construiront un Plan de Continuité d’Activité à l’échelle de la collectivité.
Ces exemples illustrent bien les enjeux économiques, humains, sociaux auquel des collectifs unis permettent de répondre.
Non seulement il s’agit de créer les conditions pour faire du NOUS, mais également de le maintenir, le cultiver, le nourrir.
Quel est le pouvoir du collectif ? Comment le mobiliser ? Pourquoi est-il si important d’en prendre prendre soin ?
Je souhaite ici partager une réflexion sur un des leviers de la mobilisation des équipes, une des clefs et de la résilience des entreprises : la cohésion.
Face à l’incertitude et au découragement, comment faire pour continuer à avancer ?
Sur quelles ressources pouvons-nous nous appuyer, afin de surmonter les épreuves, traverser les difficultés, et continuer à relever les défis présents et à venir ?
Ces ressources se situent au niveau de l’individu certes, mais elles sont aussi collectives, au niveau de l’équipe.
Les ressources individuelles permettent de mieux gérer son stress, de repérer ce qui essentiel, et se donner les moyens d’y arriver : augmenter sa tolérance face à l’incertitude, travailler la confiance en soi, sur ses « stresseurs » externes et internes (pensés, croyances…) : schémas de pensée et comportementaux dysfonctionnels (stratégies d’évitement et de contrôle vite rendus inefficaces). Sans oublier faire émerger les ressources en présence (qualités, compétences, forces intellectuelles et émotionnelles…)
Les ressources collectives se concentrent à mon sens en un seul mot : la cohésion. Face à cette réalité qui est la nôtre aujourd’hui, il est important non seulement de se dire que l’on n’est pas seul mais aussi de se concentrer sur le collectif, la force du lien véritable ressource pour les organisations.Qu’il s’agisse d’entreprises petites et grandes, d’associations, mais également de la famille, de nos cercles d’amis, le NOUS constitue une ressource formidable sur laquelle s’appuyer.
Voici pourquoi.
La force de la cohésion garantit l’engagement dans l’action
La Psychologie sociale s’intéresse aux phénomènes de groupe, qu’il s’agisse des mécanismes d’influence, de communication, de leadership, de normes ou de valeurs. Elle permet de clarifier les ingrédients de la cohésion au sein d’un groupe ou d’une équipe de travail.
Commençons par préciser ce qui distingue le groupe d’une équipe : le groupe se définit comme un ensemble d’individus qui « font système » à savoir qui interagissent entre eux. L’équipe, elle, se distingue du groupe en ce qu’elle a en sus un but partagé. Vers lequel chacun des acteurs se mobilise pour faire œuvre commune. Elle s’inscrit dans une dynamique de projet, et par là-même s’inscrit dans un mouvement.
Pour qu’une équipe puisse fonctionner, il est nécessaire de coordonner le travail à réaliser. La coordination va orchestrer une répartition des tâches, des rôles et des responsabilités des acteurs, prévoir les procédures en cas de problème.
Mais cela ne suffit pas pour faire équipe.Ce n’est pas parce que les collaborateurs se coordonnent bien entre eux qu’ils font preuve de solidarité et que l’ambiance est bonne. La cohésion est à l’équipe ce que la farine est en cuisine : un liant.
C’est une cohésion forte qui permet l’implication personnelle, qui autorise l’expression des difficultés individuelles, les autres faisant fonction de soutien. En cas d’échec l’équipe cherchera à en tirer des enseignements plutôt que de rechercher un coupable. Chacun peut ainsi éprouver un fort sentiment de contribution dans un collectif qui autorise l’erreur.
C’est grâce à elle que se maintient l’engagement dans l’action car elle est un levier fort de motivation et de créativité. Une équipe soudée s’appuiera sur le partage de ses réussites, sur les réalisations individuelles et collectives pour identifier les forces en présence… celles qui seront nécessaires pour trouver des solutions innovantes, contourner des obstacles, avancer, tous ensemble. Elle est gage d’endurance.
C’est enfin au sein des équipes cohésives que l’on peut se faire confiance mutuellement, que l’on ose donner le meilleur de soi et se surpasser. Faire confiance aux autres : à son collègue pour partager les informations utiles, pour apprendre à se remettre en question, pour oser prendre des risques aussi. Les autres me faisant confiance, je (re)prends confiance en moi : intimement liée à nos actions, la confiance en soi est cette perception que nous avons de nos capacités à réaliser, performer, relever des défis. Elle vient nourrir l’estime de soi, à savoir la valeur que l’on s’accorde. Le regard des autres viendra la nourrir ou l’ébranler.
Elle est un enjeu majeur pour nos managers et dirigeants
Elle ne se décrète pas, ne s’impose pas, elle émerge, se cultive, se nourrit. C’est dire la responsabilité des hommes et des femmes qui ont la charge d’équipes afin de la maintenir.
Pour cela quelques questions peuvent y aider :
- Prendre soin les uns des autres -> de quelle manière ?
- Faire vivre les valeurs phares qui guideront l’action -> quel est le socle commun ?
- Clarifier pour se délester du superflu et aller à l’essentiel -> quel est le cap ?
- Partager les freins, résistances, appréhensions -> sur quelles modalités ?
- Être à l’écoute des difficultés -> comment repérer les signaux faibles ?
- Permettre l’expression de chacun dans un climat d’ouverture et de confiance -> comment le mettre en place ?
Cela signifie accepter les émotions des collaborateurs, se sensibiliser à l’éthique du care également.Tout ceci dépendra fortement de la qualité de la communication interpersonnelle, de l’intelligence émotionnelle chère à Daniel Goleman. Fort heureusement elle n’est jamais figée et se travaille jour après jour au contact de soi et des autres.
La crise sanitaire interroge en profondeur les modes d’organisation et de management. Plus que jamais, le sens de l’action, le collaboratif occupent une place cruciale, à l’ère du télétravail, où les modes de relations avec l’environnement évoluent. La qualité du lien en entreprise constitue un important facteur social de résilience, mécanisme qui nous permet de nous relever après des épreuves.
Une équipe soudée expérimente des occasions de :
- Faire le point pour se réajuster gagner en perspective
- Prendre des décisions pour choisir précisément où investir son énergie
- Embrasser la réalité telle quelle est, pour mieux y faire face
- D’identifier de nouvelles opportunités et imaginer la réalité telle qu’on la souhaite.
Parce qu’elle met en œuvre des dimensions fortes comme la confiance aux autres et en soi, le plaisir de partager des réussites, le réconfort et le soutien en cas de difficultés, la créativité, la force de la cohésion est indéniablement un enjeu majeur pour nos organisations.
C’est pourquoi elle mérite toute notre attention.