Quelles leçons tirer de ces semaines de télétravail, des nombreuses réunions zooms à rallonge, des formations en distanciel ?

Si nous humains, sommes capables de faire preuve d’agilité en trouvant des solutions pour continuer à avancer, faire vivre nos organisations, bon nombre d’entre nous sommes frustrés.

Frustrés de ne pas tous se retrouver dans une même pièce, de ne pas nous serrer la main, de ne pas nous toucher, de ne pas nous embrasser.

Nous avançons masqués, et par là-même sommes également privés des expressions faciales, qui nous livrent habituellement une mine d’informations sur les émotions de chacun, nous évitant bien des malentendus, ou des maladresses.

Pourquoi cette mise à distance sociale est-elle si mal vécue ?

-> Parce qu’elle brouille les frontières de nos bulles d’interaction

Ses bulles d’interaction, l’anthropologue américain Edward T. Hall les met en évidence dans son ouvrage « la dimension cachée » lorsqu’il parle de proxémie. Il s’est intéressé à l’usage que l’homme fait de l’espace en tant que produit culturel spécifique. Cette régulation de l’espace interpersonnel, fortement liée à la culture mais également à l’éducation, explique la diversité de nos mises à distances et de nos manifestations « tactiles ». Il y distingue, du plus éloigné au plus rapproché de notre corps, la distance publique des conférenciers avec leur auditoire, celle sociale dans nos relations professionnelles, celle personnelle lorsque nous partageons des affinités avec certaines personnes, enfin la distance intime dans laquelle ne peuvent entrer que nos proches.

En nous mettant à distance forcée les uns des autres, c’est non seulement les repères habituels de ces bulles invisibles qui ont changé, mais aussi notre besoin criant de nous rapprocher, tant les interactions sociales sont essentielles à notre bienêtre et à notre santé mentale.

-> Parce qu’elle nous prive du bien-être que procure le contact physique

Ce besoin de nous rapprocher renvoie à un autre besoin profondément ancré chez l’homme (mais pas que, à observer d’autres espèces), qui est celui de se toucher. Les célèbres recherches du Psychologue John Harlow montraient dans les années 60 cette nécessité vitale du contact physique qui prévaut sur celle de s’alimenter chez le jeune babouin.

Au quotidien, nous pouvons constater à quel point caresser nos animaux de compagnie nous fait du bien. Et cela s’explique par une hormone, qui, une fois libérée dans notre cerveau, produit des effets apaisants. C’est l’ocytocine qui modifie le fonctionnement du cerveau, en agissant comme un neuromédiateur. En plus de permettre l’accouchement et la lactation, elle nous aide à réguler nos émotions et notre réactivité au stress.   Elle joue aussi un rôle dans l’initiation et le maintien des relations sociales comme la confiance, l’empathie, la générosité. Une étude récente du CNRS montre que  qu’un contact physique déclenche la sécrétion d’ocytocine pour promouvoir les comportements prosociaux. 

Or, par les gestes barrière nécessaires pour nous protéger, l’autre devient menace, le proche devient lointain, et de manière invisible, s’opère au fil du temps un bouleversement de nos liens affectant notre moral et notre estime de soi.

Que peut-on faire alors dans nos différentes sphères sociales ? Au travail notamment ?

Comment contrer les effets délétères de ce bouleversement silencieux ?

En nous rapprochant autrement les uns des autres

La situation que nous vivons actuellement est une belle occasion de renforcer nos compétences émotionnelles. Évoluer dans une ambiance agréable, où règnent confiance et communication positive est on le sait, source de bien-être. Et c’est là qu’intervient le pouvoir des mots, de la communication verbale. Mais pas que… c’est là aussi que l’on prend conscience de l’importance du langage non verbal : hochements de tête, langage du corps, langage des yeux, gestuelle viennent appuyer votre qualité de présence.

L’enjeu consiste alors à se concentrer sur la qualité de toutes nos communications

Voici comment :

-> Faites preuve de gratitude plus régulièrement 

Montrer des signes de reconnaissance constitue un levier clef de la motivation et de la qualité de vie au travail. Par des feedbacks positifs envers cos collègues et vos collaborateurs vous signifiez la valeur de la personne, de son travail, de ses efforts. Vous agissez sur la motivation intrinsèque, plus profonde, plus puissante et plus durable. Pour être efficace, retenez que cette reconnaissance devra porter sur des actions concrètes à des moments précis. Dans la sphère familiale, faire preuve de gratitude est une manière de considérer l’autre et de valoriser une attitude, un comportement, sources de fierté, ce qui vient nourrir à la fois l’estime de soi et renforcer la confiance en soi.

-> Développez une réelle attention à l’autre et une écoute vraie 

Cela passe par une ouverture authentique en gardant à l’esprit trois piliers de cette qualité d’écoute qui renforce votre présence à l’autre : l’observation des signes de découragement, de tristesse, de retrait ; le questionnement pour mieux comprendre et toujours sans juger  ; et bien entendu la reformulation. Reformuler les propos de votre interlocuteur lui montre votre intérêt pour sa personne, indique que vous avez une volonté de comprendre son univers mental, ses désirs, ses difficultés, ses préoccupations. Votre interlocuteur se sent entendu, mieux compris. Dans certains cas, et c’est le bonus, la reformulation peut prolonger la réflexion, le cheminement, juste au moyen de cette écoute neutre et bienveillante.

->  Manifestez votre soutien en cas de difficulté 

Impossible de se prendre dans les bras, de faire une tape à l’épaule, de tenir les mains longuement. Alors dites. Dites les mots de réconfort parfois maladroits, dites votre présence à ses côtés, dites le soutien de l’équipe/ la famille dont il/elle fait partie. Dites aussi par vos silences en prenant le temps d’être juste là, présent à ses côtés… Votre gestuelle, votre langage du corps et votre regard jouent un rôle important.

-> Renforcez le sentiment d’appartenance pour contrer l’isolement 

Le besoin de contact avec les autres collègues s’est fait criant ces derniers temps. C’est fou comme les petits moments autour d’un café pouvaient être si précieux. Que la petite fête de fin d’année autour d’un bon repas et d’un sapin dont on pouvait se lasser finalement vont nous manquer. Mais il est toujours possible de célébrer les réussites collectives, de signifier que chacun, à sa mesure, dans ses missions, a pu contribuer à la réussite de tous, que les valeurs de solidarité, d’entraide se sont manifestées plus que jamais ces derniers temps. Faire appel au collectif, renforcer le sentiment d’appartenance et redonner du sens aux actions de chaque individu toujours par la communication est primordial. Non pas avec des mots creux, mais avec une vraie présence et des mots incarnés, suscitant des émotions positives, des mots qui « touchent », qui font mouche et qui redonnent de l’espoir.

Toutes ces actions que vous pouvez mettre en place pour davantage de bien-être passent par le langage. Plus que jamais, parce que la communication non verbale s’est complexifiée (allez lire les émotions derrière le masque !), aux côtés du corps, des gestes, des regards, la parole doit briller, porter, insuffler de l’énergie.

Lors d’une de mes formations sur le management, un stagiaire m’a dit récemment : « mais je n’ai pas le temps de manager ! » Certes le rôle professionnel comporte des dimensions techniques, opérationnelles, organisationnelles, qu’il faut parer au plus urgent… mais c’est grâce à nos qualités de communicants qu’il est possible de cimenter une équipe, de booster la motivation, de se soutenir au sein d’une famille, d’aider un collectif à se sentir bien.

Œuvrer en faveur de communications vraies, positives est de la responsabilité de chacun.

Privilégiez la qualité du lien, le reste suivra….