Le discours décrypté d’Emmanuel Macron en hommage à Samuel Paty
L’assassinat de ce professeur de 47 ans nous a plongé dans la nuit, dans l’horreur, la peur, la tristesse, le désarroi….mais il n’est pas question d’y demeurer.
En quelques lignes, je partage avec vous un décryptage du discours d’Emmanuel Macron en hommage à Samuel Paty, hier à la Sorbonne. Comment, par la puissance de la langue, rendre hommage, apporter son soutien, rejeter l’intolérable, insuffler de l’espoir ?
Construit autour d’idées fortes, faisant appel à des valeurs profondément ancrées dans notre histoire et notre conscience collective, voici quelques clefs de lecture dévoilant les éléments qui ont conféré à ce discours toute sa force et sa justesse.
Un message personnel
Le Président annonce le choix de ne pas mentionner le « terrorisme », les « barbares »… tout en les mentionnant. Amorce surprenante il est vrai. Mais qui s’appuie sur une figure de style puissante, la prétérition, consistant à cacher pour mieux montrer l’intolérable, l’inacceptable.
Puis très rapidement, Emmanuel Macron s’adresse directement à toutes les personnes qui connaissaient Samuel Paty. Il fait une évocation émouvante de l’homme qu’était ce professeur d’Histoire d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine. Cette proximité choisie nous le rend familier également lorsqu’est décrite sa passion pour les livres, sa curiosité, son goût pour la transmission et pour la liberté, l’amour de son métier.
Une ode à la Liberté de penser et de s’exprimer
Ce professeur de collège a été assassiné parce qu’il enseignait la liberté d’expression et de conscience. Si l’on devait retenir une idée phare de ce discours c’est bien celle-là. Pour faire l’éloge de cette mission de « recherche individuelle de vérité », Emmanuel Macron cite alors Ferdinand Buisson. Pédagogue lui aussi, ayant cofondé et présidé la Ligue des Droits de l’Homme au début du siècle dernier, et prix Nobel de la Paix. Mentionner cet homme confère au message une portée et une puissance évocatrice forte.
Une mission d’enseignement devenue cruciale
Les enseignants et professeurs de France remplissent une noble mission, aujourd’hui indispensable, « plus essentielle que jamais », celle de faire émerger des esprits éclairés, capable de penser et décider par eux-mêmes. Cette mission que certains condamnent, il est primordial de la préserver, afin de lutter contre toutes formes de « violences », « intimidations », « résignations ». Et c’est là que le discours du Président change d’interlocuteur pour s’adresser à tous les professeurs de France, pour leur manifester son soutien et son encouragement à poursuivre cette noble mission.
La Liberté a un visage
En faisant de Samuel Paty le« visage de la France » le message prend toute sa force, car cette allégorie vient magnifier ce « héros tranquille », qui incarne des valeurs qui nous sont chères comme celle de Liberté. Cela permet aussi de rendre hommage à un héros discret comme parmi tant d’autres et auquel de nombreuses personnes peuvent s’identifier. Chacun de nous est appelé à se responsabiliser pour le maintien de cette Liberté.
La Liberté est une arme
Par le jeu des contrastes « eux » /« lui », les valeurs de Liberté, de laïcité, d’égalité des chances sont mises en opposition à la « violence », à la « bêtise », aux « mensonges », aux « amalgames », à la « haine de l’autre ». Elles deviennent ainsi des armes absolues, rendant le peuple français invincible… l’emploi du « nous » prend alors la première place pour poursuivre cette mission : « Nous continuerons ». Il est fait appel au sentiment d’appartenance, à l’unicité d’un peuple français qui résistera toujours.
Une lumière qui ne s’éteindra pas
Cet évènement nous a plongé dans la nuit, dans l’horreur, la peur, la tristesse, le désarroi….mais il n’est pas question d’y demeurer.
Dans le prolongement de l’esprit des « Lumières », plus que jamais il s’agit de continuer à lutter contre l’obscurantisme, de promouvoir les connaissances, de défendre la tolérance et le respect de l’autre : l’emploi de la métaphore marque les esprits : « les « Lumières » ne s’éteignent jamais ». Oui, il sera toujours possible en France de débattre, d’argumenter, de faire preuve de « persuasion aimable », d’acceptation des différences.
Faire appel à notre culture et aux valeurs communes confère au discours une dimension universelle, touchant ainsi l’esprit et le cœur de chacun.
Ainsi, par la justesse des mots choisis, par l’appel aux valeurs universelles, à l’identité et à la fierté du peuple français, le Président de la République a su livrer hier un hommage à la fois vibrant et puissant qui marque nos consciences.