Comment se fait-il que telle personne possède ce petit quelque chose que l’on nomme éloquence et que d’autres n’ont pas ? Pour quelle raison, lorsque votre collègue de travail prend la parole en réunion, l’ensemble de l’auditoire est attentif et que cela n’est pas forcément le cas pour vous ? Est-ce juste une question de charisme ? Dans quelle mesure l’intelligence compte dans une prise de parole réussie ? Faut-il avoir du pouvoir pour être entendu ? Qu’est-ce qui distingue un discours plat d’un discours mobilisateur qui emporte les personnes présentes ?

Ce sont là des questions que tout un chacun se pose à l’occasion de prises de paroles impactantes ou bien qui, au contraire, manquent totalement leur cible. Parfois l’on se dit quel dommage ! Le contenu de la présentation était intéressant mais desservi par un ton monocorde, un manque d’entrain, un dos tourné et un doigt pointé vers un support visuel truffé de texte alors que notre cerveau déteste ça à l’oral !

Pour en finir avec les idées reçues et aller à l’essentiel, je vous propose de partager 6 conseils qui me semblent incontournables pour préparer une prise de parole réussie.

1- Votre parole doit servir une intention

Quoi de pire que de parler pour ne rien dire ! On de démasquer une personne qui adore s’écouter parler ?

Nous avons tous entendu des discours ou des présentations emplis de mots creux, avec, au bout de longues minutes à tenter des rester concentrés, la sensation de ne rien avoir retenu du message !

La première question à vous poser et à laquelle doit être capable de répondre la personne qui vous écoute est :

Quelle est donc l’intention derrière le discours ?

S’agit-il de :

Je vous invite à faire cet exercice avec le discours du jeune Clément Choisne à la remise des diplômes à l’École Centrale de Nantes.

La parole est toujours au service d’une intention, qu’il s’agisse d’une cause ou bien d’une personne que l’on va défendre. Quelque soit le cas de figure, elle se doit de répondre à un objectif.

Avant de vous lancer dans la « rédaction » votre pitch, de votre présentation, posez-vous donc la question : pourquoi je parle ? Cela peut paraître simpliste mais va vous aider à construire le fil rouge de votre message. C’est ce fil rouge qui vous permet de ne pas perdre le fil justement, et de ne pas perdre non plus votre auditoire.

2- Votre parole doit être attentive à l’autre

Les études le montrent, nous décrochons tous au bout de 10 minutes. Il est question d’attention de l’auditoire, à avoir de sa capacité de celui-ci à rester concentré, à écouter pleinement ce que vous dites.

Il est également question d’attention que vous allez porter aux personnes en présence, et ce à double titre :

Pour répondre à la première question, le travail se fait en amont, à savoir avant la phase de présentation à proprement parler. Dans la mesure du possible vous répondrez le plus précisément à la question : à qui je m’adresse ? Car c’est bien un exercice de communication donc qui implique un destinataire. Pour cela, vous récolterez des informations précieuses : leur niveau de connaissance du sujet que vous allez traiter, leur degré de résistance, les éventuels freins qui pourraient se manifester le jour J, les doutes, les questions qu’ils se pourraient se et vous poser…

Bien connaître votre auditoire, c’est vous assurer une qualité d’écoute par la justesse de votre message, car il aura plus certainement atteint sa cible.

Pour répondre à la seconde question, celle de l’intérêt, cela peut sembler anodin, voire futile, mais il n’est pas de prise de parole réussie sans réelle connexion avec son auditoire. Il s’agit de créer un lien quel qu’il soit, quelque chose que vous allez partager avec lui. Cela peut se situer au niveau des valeurs, du domaine d’expertise, mais aussi des émotions. Je démarre très souvent mes formations et coachings d’équipe en disant que je suis ravie d’être là ce jour-là, avec ces personnes-là… d’abord parce que cela est vrai, ensuite parce que cela a du sens pour moi et enfin parce que cela confère une belle intensité à mon travail auprès des personnes que j’accompagne.

Enfin, pour répondre à la troisième question, la beauté de l’exercice consiste à se voir et à s’écouter parler (dans le bon sens du terme), tout en observant votre public qui vous fournit une mine d’informations visuelles sur ses émotions qui le traversent : l’intérêt, l’ennui, la gêne, la surprise, le plaisir… sur lesquels vous pourrez vous appuyer.

3- Votre parole doit être authentique

Les professionnels et formateurs en techniques de communication le savent bien, il est question ici de ce que l’on nomme la congruence, à savoir l’alignement, la cohérence entre ce que vous dites, ce que vous pensez et ce que vous ressentez.  Notre capacité sensorielle et cognitive à appréhender puis à traiter les informations de notre environnement nous éclairent sur l’efficacité d’un prise de parole :  de la même manière que notre cerveau n’admet pas la négation (essayez donc de ne pas penser à un chat noir là tout de suite), de la même manière le visuel passe avant le reste, à savoir qu’il va d’abord croire ce qu’il voit avant de croire ce qu’il entend. Pour exemple, vous n’accorderez pas votre crédit à une personne se disant très à l’aise en public et présentant dans le même temps des manifestations qui disent le contraire : tremblements, transpirations, rougeur ; ni à une gestuelle en contradiction avec les propos : vous dire « nous avons un petit problème » en écartant largement les bras ; ni à un « je vous écoute » tout en tapotant sur son écran de téléphone ou sur son clavier d’ordinateur… Les exemples sont nombreux.

La congruence est naturelle lorsque le propos vient du cœur, des tripes, bref de ce qui vous porte, vous anime. Découvrez Luma Mufleh lors de sa prise de parole sur TED, est à ce titre un bel exemple d’intention servie par un langage corporel totalement en accord.

4- Votre parole doit être construite

Selon Aristote, philosophe Grec et maître incontesté de la rhétorique antique, il est important d’être clair avant d’être compris, d’avancer des arguments qui auront du poids dans l’esprit des personnes. Certes, un vocabulaire explicite, accessible à votre auditoire, et des phrases courtes participent de la clarté de votre parole. Mais c’est la construction de votre message, le logos (« parole » en grec mais aussi logique) qui apporte au discours sa force de conviction. Cette logique repose sur des faits, des chiffres, des exemples qui confèrent de la puissance aux arguments avancés.

Parce que de notre esprit filtre les informations entendues selon nos intérêts, nos cadres de références, nos valeurs, il est primordial de s’appuyer sur les idées phares du message entendu. Il s’agira de les agencer savamment afin de donner l’impression que cela coule de source, ce qui apporte clarté voire limpidité à votre parole.

«  La première qualité du style c’est la clarté »

Aristote

Comment savoir si votre message a été clair ? Posez-vous la question suivante : mon mon auditoire est-il capable de restituer les trois idées principales de mon message à l’issue de ma présentation ?

Il ne s’agit pas tant de demander s’il l’on a été compris, mais plutôt, de s’interroger sur sur ce que les autres ont pu retenir de votre présentation.

En apprenant à analyser les discours des bons orateurs, vous saurez construire l’ossature de vos prises de parole et atteindre l’esprit de vos interlocuteurs. Prenez le temps d’observer la construction du Discours sur la misère d’un grand orateur, Victor Hugo, prononcé à l’Assemblée le 9 juillet 1849

5- Votre parole doit être une respiration

La voix est portée par notre souffle de vie. C’est par l’air que les sons arrivent aux oreilles de nos auditeurs. Sans doute avez-vous déjà remarqué que lorsque vous êtes stressé, vous manquez d’air… votre présentation se déroule alors en apnée avec ce que cela peut générer d’inconfort pour vous et votre public également. Autant dire que le souffle est un élément incontournable à prendre en considération à plus d’un titre :

Pour l’illustrer, observez Philippe Le Bouteiller 1er prix de la finale de MT180 en 2018 :  la modulation de sa voix mais également le langage de son corps rendent le message à la fois explicite et très vivant.

Pas de respiration sans ruptures de rythme, de temps de pause, ces micro silences qui, dosés à bon escient, placés au bon endroit, augmentent l’impact de votre prise de parole.

6- Votre parole doit être vivante

S’il est une différence majeure entre l’oral et l’écrit, c’est la légèreté de vos paroles…qui s’envolent !

Pour la simple et bonne raison que la capacité attentionnelle de votre auditoire est de courte durée. Toutes les dix minutes les personnes en face de vous ont des moments de décrochage, et pas toutes en même temps… mais ne désespérez pas ! Il s’agit d’interpeller, de rechercher le contact visuel, de se mouvoir, de faire des temps de pause.

La clef : créer une connexion avec le public.

Comment savoir si vous avez persuadé ? En faisant vibrer, réagir, adhérer votre auditoire. Ici les émotions ont toutes leur place et Aristote une fois de plus l’avait bien compris. Faire appel aux émotions (pathos) qu’il s’agisse de surprise, de plaisir avec un trait d’humour, de peur, de tristesse avec des paroles poignantes. Le texte du discours “Yes we can” de Barack Obama fait appel à des références propres au peuple américain mais aussi à des valeurs universelles, au-delà de toute appartenance sociale.

Avec ces quelques conseils, que votre parole soit !