Exit les épreuves écrites d’entrée en première année à Sciences Po Paris, place à l’oral !
Pour « s’ouvrir à une plus grande diversité des parcours et des origines » selon son directeur Frédéric Mion, les conditions d’entrée à Sciences Po changeront dès 2021.
L’accent sera mis sur la personne
Une sélection plus personnalisée, basée sur le dossier (notes du lycée, résultats du BAC, rédaction d’un essai personnel) ET sur un oral de motivation. La réforme du Baccalauréat, avec la mise en place du grand oral, va dans le même sens.
S’il n’est pas de preuve scientifique sur le pouvoir plus ou moins discriminant de l’oral par rapport à l’écrit, force est de constater que l’oral nous différencie les uns des autres car il est une compétence acquise socialement. En effet, notre façon de parler, nos codes vestimentaires, posture, langage du corps et des gestes sont marqués socialement. Et ce n’est pas au sortir de l’école que les compétences en éloquence sont acquises, en tous les cas, pas pour l’instant.
Au sein d’un même milieu social, les disparités existent également, quant à la richesse du vocabulaire employé, la construction des phrases, l’aisance à s’exprimer. Faisons entrer également un autre élément de différenciation, plus subtil, ô combien crucial pour un oral de sélection : l’estime de soi et ses deux alliées qui sont la confiance en soi et l’affirmation de soi. Pas de déterminisme social ici mais une disparité réelle qui peut faire la différence le jour de l’épreuve.
En tant que juré de sélection pendant de nombreuses années, j’ai vu défiler des profils extrêmement variés. Au cours de cet oral, il est question pour le jury de trouver les « étoiles dans les yeux » des candidats, de mesurer leur représentation des années d’études à venir, leur capacité à se projeter dans un avenir professionnel où ils auront leur place, de tester leur motivation, élément clef de la sélection.
L’impression que laisse un candidat sur les membres du jury est le résultat d’une alchimie subtile combinant les mots dont certains résonneront encore, le non verbal, ce « je ne sais quoi » d’implicite, d’émotionnel que seul l’oral fait apparaître.
Car l’oral est avant tout une rencontre
Une rencontre avec l’altérité, la richesse, la singularité d’une personne. C’est pourquoi il a toute sa place dans un processus de sélection et il convient de mesurer son importance.
Certes, la compétence orale en tant que telle reste incontournable, et il n’est plus à démontrer qu’elle nécessite une préparation en amont.
En aidant les personnes que j’accompagne à connaître les codes et les implicites de cette rencontre, en les aidant à « accoucher » (oui c’est bien le mot juste) non pas des mots mais de LEURS mots, à clarifier leur pensée, je contribue à augmenter les chances de certains. En faisant en sorte qu’un individu convaincu soit également convaincant car cette rencontre aura été possible.
L’aisance à l’oral, une compétence à acquérir très tôt
Oui, l’école d’aujourd’hui en France a encore du chemin à parcourir, pour accorder toute sa place à l’expression d’une parole qui ne soit pas uniquement formatée : récitations, exposés, Fables de la Fontaine (… que j’adore !).
L’école a le devoir de favoriser l’expression d’une parole singulière, unique, qui défende des idées, qui exprime des émotions, qui rencontre la différence. L’école joue ce rôle primordial de promouvoir des esprits éclairés, à travers une parole libre, qui nous donne confiance en soi et aux autres et qui nous apprenne la tolérance.
Bref, une parole éclairée, citoyenne et respectueuse de chacun.